Le chapeau de paille d’Italie
Combien d’ heures de labeur pour ramener de la ville ce petit chapeau de paille d’Italie?
Pas un bakoua des champs qui arrête l’ardeur du soleil de midi, un chapeau léger de demoiselle, avec un ruban en organza qui s’accorde parfaitement avec la robe du Dimanche.
Annonciat est fière de sa petite fille dans sa robe empesée et repassée, parée pour l’office. Auréolée de son couvre-chef d’où dépassent quelques vanilles, Ida suit son père sur le sentier qui serpente jusqu’au bourg . La cloche sonne déjà, vite se laver les pieds dans le canal d’irrigation du champ de canne puis enfiler les chaussures.
Elle récite dans sa tête la liste des commissions à ramener : de l’huile, de la morue salée, du gros savon de Marseille et du bleu pour la lessive…
A la mi-journée, l’excursion dans l’agitation du bourg s’achève.
Ils traversent le pont , longent la voie ferrée, dépassent le parc a mulets. Il faut traverser les terres de l’Habitation car leur maison est tout en haut du morne. Une maisonnette tout en bois avec le sol en terre battue, que le père a construit de ses mains. Elle voisine la case à farine de manioc et un poulailler, au milieu d’un jardin créole.
Ida est d’humeur joyeuse. Elle sautille entre les icaquiers et les goyaviers . Elle danse avec les papillons jaunes, blancs, oranges qu’elle poursuit en zigzaguant, tentant vainement de les rattraper .
Le chapeau de paille d’Italie s’improvise naturellement filet à papillons. Ida dans ce tourbillon n’entend plus les avertissements de son père. Un jaune, un blanc, un orange…Mi Zwel…Ils sont si nombreux, si rapides qu’au bout du compte la délicate vannerie commence à se défaire..le précieux chapeau de paille d’Italie a piteuse allure.
L’euphorie retombe laissant place à la panique. Comment raconter? Comment expliquer, argumenter? …
La punition plane comme un malfini, elle se rapproche en cercles concentriques inévitablement prête à fondre sur sa petite personne en poussant des cris, une fois franchie la porte de la case juchée tout en haut du morne.